Milite en ce sens, le fait que, pour juger de la responsabilité pénale des ministres dans l’exercice de leurs fonctions, le tribunal de l’article 68-1 devra apprécier les conséquences d’arbitrages politiques, exercice sur lequel les parlementaires disposent d’une expérience que n’ont pas, sauf exception, les juges professionnels, quel que soit leur ordre juridictionnel.Les juges professionnels seraient élus par leur juridiction respective (l’assemblée des magistrats hors siège pour la Cour de cassation, l’assemblée générale pour le Conseil d’État, la chambre du conseil pour la Cour des comptes), précision qui ne figure actuellement que dans la loi organique, mais qu’il serait convenable d’inscrire dans la constitution, dès lors qu’elle constitue une garantie d’indépendance.Le tribunal élirait son président parmi les magistrats de la Cour de cassation, autre garantie d’indépendance qu’il conviendrait d’inscrire dans la constitution plutôt que, comme actuellement, dans la loi organique. C. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Le dispositif actuel poserait un problème de légitimité, en raison de la composition de la Cour, qui en fait « une juridiction de jugement hybride et majoritairement composée de parlementaires » exposée de ce fait au « soupçon de partialité ».

Il n’est pas satisfaisant que les coauteurs et complices des infractions imputées aux ministres dans l’exercice de leurs fonctions soient jugés selon une autre procédure et que deux juridictions différentes soient conduites à se prononcer sur les mêmes faits.Une telle situation est source de complexité et d’incohérences, d’autant que, dans le projet de 2018, l’une de ces juridictions rendra sa décision en premier et dernier ressort.Plutôt qu’en instituant une formation de jugement spécialisée, on pourrait être tenté de rechercher une solution respectueuse des intérêts publics – dans l’esprit de la loi d’une part, les actes dont les membres du gouvernement n’étaient pas en mesure d’apprécier les conséquences lorsqu’ils les ont accomplis ;d’autre part, les inactions ne procédant pas d’une démarche volontaire de leur part, notamment parce qu’elles ne résultent pas d’une décision (positive ou négative, formalisée ou non) qui leur soit directement et personnellement imputable (pensons à la continuation de pratiques sur lesquelles le ministre avait certes le pouvoir d’influer, mais sur la nocivité desquelles son attention n’a pas été appelée).C’est ainsi que, dans le projet arbitré après avis du Conseil d’État, le gouvernement fait dire à l’article 68-1 que la responsabilité pénale des ministres « ne peut être mise en cause à raison de leur inaction que si le choix de ne pas agir résulte d’une décision qui leur est directement et personnellement imputable ».Toutefois, outre que l’exigence d’un acte de volonté ou d’une faute délibérée pour qualifier une négligence ministérielle mordrait sur les dispositions de l’article 121-3 du Code pénalSurtout, une telle solution fait toujours du jugement des ministres, pour des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et inséparables de celles-ci, une question trop purement pénale, tant sur le fond que sur la procédure, pour que le principe de séparation des pouvoirs n’en sorte meurtri.La présente chronique porte sur les questions prioritaires de constitutionnalité rendues publiques par le Conseil constitutionnel entre le 1er janvier et le 30 juin 2019. par Pierre Mouzet, Olivier Cahn, Camille Dreveau, Delphine Thomas-Taillandier, Patrick Mozol, Pauline Parinet-Hodimont